# Organisation & Bien-Être au travail
Changement de lieu de travail post transfert : quel type de licenciement en cas de refus du salarié ?

On distingue traditionnellement la modification d’un élément essentiel du contrat de travail qui nécessite l’accord du salarié, du simple changement des conditions de travail qui, pour sa part, n’est pas subordonné au consentement de ce dernier.

Ainsi, le refus d’un simple changement des conditions de travail peut donner lieu à la mise en œuvre d’un licenciement pour motif personnel.

En revanche, la modification contractuelle n’obéit pas au même régime.  La Cour de cassation considère qu’au regard de l’importance de la modification envisagée par l’employeur (fonction ou rémunération par exemple), le salarié qui refuse ne peut être sanctionné pour un motif personnel, c’est-à-dire inhérent à la personne du salarié, mais pour un motif économique (Soc. 11 juillet 2018, n°17-12.747).

L’arrêt du 17 avril 2019 (n°17-17880 à n°17—17886) illustre le sujet étant précisé que dans ces affaires, la modification portait sur le lieu de travail et était proposée par le repreneur à la suite d’une opération de cession d’activité.

En l’espèce, la cession par une société de son activité de vente et de commercialisation de fleurs par internet à compter du 14 mai 2012 emportait transfert automatique des contrats de travail des salariés au profit du repreneur.  Les salariés exerçaient jusque-là leur activité à Nantes. Le repreneur, basé à Orléans, proposait aux salariés une modification de leur lieu de travail. Pourtant, s’agissant des salariés qui ont refusé cette modification de leur lieu de travail, l’employeur a retenu un motif personnel de licenciement et non un motif économique. La lettre de licenciement est rédigée comme suit :

« […] Afin de pérenniser et développer l’activité internet précédemment exploitée par la société A, nous avons décidé de mutualiser en un seul lieu de production les moyens humains et techniques. C’est ainsi que notre société n’a pas maintenu d’activité au sein de l’établissement nantais de la société A. C’est dans ces conditions que, par lettre du 14 mai 2012, nous vous avons informé que votre poste était transféré à Orléans au siège de notre société. Dans la mesure où notre société ne dispose d’aucun établissement dans la région nantaise, nous vous avons invité, par ce même courrier, à rejoindre votre poste au sein de notre équipe à notre siège social situé à Orléans. Etant bien conscients des enjeux pouvant découler d’une éventuelle modification de votre lieu de travail, nous vous avons laissé un délai de réflexion d’un mois, afin de nous faire part de votre réponse. Par un courrier en date du 23 mai 2012, vous nous avez indiqué ne pas vouloir donner suite à notre proposition et ne pas souhaiter continuer d’exercer vos fonctions dans nos locaux situés à Orléans. […] dans ces conditions, nous n’avons aujourd’hui d’autre choix que de procéder à votre licenciement ».

Il est intéressant de relever que l’employeur respectait le délai de réflexion d’un mois reconnu par les dispositions de l’article L.1222-6 du Code du travail en cas de proposition de modification d’un élément essentiel du contrat de travail reposant sur un motif économique.

Pour autant, il retient un motif personnel de licenciement.

Dans des circonstances similaires où le transfert des contrats de travail s’était accompagné d’une modification du lieu de travail (de la Seyne sur Mer à Lyon), la Cour de Cassation, dans un arrêt du 1er juin 2016 (n°14-21.143) avait approuvé les juges du fond qui avaient considéré que le transfert de l’entité économique à laquelle était rattachés les salariés avait entraîné par lui-même, une modification de leurs contrat de travail et que le refus des salariés transférés reposait sur une cause réelle et sérieuse. Dans son commentaire, la Cour de Cassation avait insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un motif de licenciement autonome, sui generis.

En 2017, la Cour de Cassation affinait son raisonnement. Si la modification du lieu de travail résulte de la volonté de l’employeur, le motif de licenciement résultant du refus du salarié n’est plus une cause autonome de licenciement mais un licenciement pour motif économique.

La Haute juridiction, le 17 avril 2019, le rappelle dans un attendu de principe : « lorsque l’application de l’article L.1224-1 du Code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur, le salarié est en droit de s’y opposer et la rupture résultant du refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, proposée par l’employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique ».

La Cour Cassation insiste sur le fait que le changement de lieu de travail s’inscrivait dans la volonté du repreneur de conserver un lieu de production unique dans le but de réaliser des économies et que l’objectif affiché était la pérennisation de son activité internet et que le motif réel de licenciement résultait de la réorganisation de la société cessionnaire suite au rachat de cette activité.

Cette décision est l’occasion de rappeler qu’il faut toujours avoir à l’esprit le régime de la modification du contrat et les conséquences afférentes en cas de refus du salarié. La modification porte-t-elle sur un élément essentiel du contrat de travail ? Sur quel motif repose-t-elle ? Quelle mesure adopter en cas de refus du salarié ? Quel type de licenciement ?

le 29/05/2019

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